« Le temps où traditionnellement les savoirs acquis dans l’espace scientifique académique constituaient un patrimoine ouvert mis à la disposition de tous appartient au passé. Dans le champ des connaissances, production rime aujourd’hui avec protection et exploitation. »
Magazine d'information de la commission européenne sur la recherche.
« Mars 2000 : un Conseil européen extraordinaire se réunit à Lisbonne. Quoiqu’il n’ait pas fait les gros titres et demeure inconnu du grand public, ce sommet marque un tournant dans l’histoire de la construction européenne. Les chefs d’état et de gouvernement des quinze pays membres de l’Union se sont alors fixé “un nouvel objectif stratégique pour la décennie à venir : devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde”. A cette fin, ils ont ouvert le chantier d’un Espace Européen de la Recherche qui entend organiser la production, l’échange et la valorisation des savoirs sur le modèle du Marché commun. Ce projet vise à orienter les activités de recherche et d’innovation vers une finalité de compétitivité économique. Son but n’est pas d’intégrer les systèmes nationaux en recourant au droit communautaire, mais de les mettre en concurrence au moyen de techniques managériales censées insuffler un “esprit compétitif” dans les laboratoires comme dans les administrations publiques. Par la construction d’indicateurs de performance et leur évaluation comparative (benchmarking), il s’agit d’inciter les “chercheurs–entrepreneurs” à optimiser leur productivité, et les gouvernants à aménager des conditions institutionnelles, juridiques et culturelles attractives aux yeux des investisseurs. Quantifier ainsi le travail scientifique et l’art de gouverner n’est pas neutre. »
« Nous sommes entrés dans l’ère des marchands. Leur culture a triomphé. C’est essentiellement une culture de l’évaluation. Le triomphe d’un nouveau regard évaluateur, et avec lui d’une nouvelle question directrice, la “question des questions”, posée plus haut que toutes les autres : “quels gens et combien de gens consomment cela ?”. Muni de cette question, le marchand, l’applique dès lors instinctivement et constamment à tout, et donc aussi aux productions des arts et des sciences, des penseurs, savants, artistes […] à propos de tout ce qui se crée, il s’informe de l’offre et de la demande, afin de fixer pour lui–même la valeur d’une chose. »
Nietzsche, « Pensée fondamentale d'une culture de commerçants », Aurore, Folio Gallimard, Paris, 1991, p. 137.
« Door meten, tot weten. »
Heike Kamerlingh Onnes (1853 - 1926).